Histoire/Anecdotes
On lui a toujours dit que l’argent ne faisait pas le bonheur, que ce n’étaient pas les billets verts qui sauraient lui offrir tout ce qu’il pourrait souhaiter. Baratin répété par ses parents parce qu’ils ne faisaient pas partie des gens aisés, excuse trouvée pour justifier que rien ne lui était jamais donné. Il a grandi dans les quartiers pauvres de Chicago, fils d’une famille d’ouvriers, travailleurs de nuit qui peinaient même à payer le loyer. Fils unique d’un maçon travaillant sur des chantiers clandestins et d’une secrétaire médicale dans une clinique de quartier, c’est sans leur soutien qu’il s’est forgé, qu’il a appris à se débrouiller. Non pas qu’il n’ait pas bénéficié d’amour et d’attention, les rares fois où ils croisaient ses géniteurs à la maison ayant toujours été des moments de tendresse et d’affection. Non, c’était plutôt le besoin de ne pas se sentir comme un fardeau pour ceux qui l’ont élevé, l’envie de vouloir aider plutôt que d’être un boulet.
Personnalité marquée, c’est de sa grand-mère qu’il a le plus appris, l’aïeule étant une femme de caractère qui lui a réellement tout inculqué. Cuisinière ayant servi dans un Diner des bas-fonds chicagoans jusqu’à ce qu’elle n’ait plus la force de se lever, elle a su lui expliquer qu’il fallait se battre et travailler si l’on voulait un jour être respecté. Gamin curieux et sociable, elle lui espérait un avenir dans la politique ou la médecine, des plans sur la comète qu’elle n’hésitait pas à tirer quand elle voyait le gosse faire preuve d’une répartie sans égale pour un garçon de son âge. Et c’est par ses mots et son assiduité qu’il s’est fait un trou au collège puis au lycée, chouchou des profs comme des élèves, détesté seulement de ceux qui le jalousaient. Certes, se faire un nom dans un établissement communautaire d’Englewood n’était pas aussi difficile que de le faire dans une école privée mais quand bien même, être à la fois membre de l’équipe de basketball et premier de la classe pendant quasiment toute sa scolarité lui permirent de profiter d’une popularité appréciable et qui lui fit gagner en confiance autant qu’en arrogance. Et par ses compétences diverses et son envie de s’élever au-dessus de la masse, son chemin était tout tracé avec une bourse qui lui aurait permis d’intégrer l’une des universités les plus prisées du pays.
C’est à Harvard qu’il a finalement été accepté, intégrant les bancs de la prestigieuse institution au même titre que certains gosses de riches à qui tout semblait réussir. S’imaginant beau et puissant à l’entame de ses études de droit, il connut un dur retour à la réalité dans ses premières années : si ses notes étaient au-dessus de la moyenne, certains de ses camarades de classes connaissaient plus de facilité à accéder à des stages prestigieux et n’hésitaient pas à rabaisser ses efforts dès que l’occasion se présentait. Persévérant, il enchaîna pourtant les désillusions et commença à éprouver une profonde frustration face à ce désavantage social, enchaînant les écarts de discipline qui mirent en péril ses études.
Une simple pression de gâchette fit basculer ses projets, le corps sans vie de sa grand-mère gisant sur le sol crade du Diner où elle avait si longtemps travaillé et où elle venait se reposer maintenant la retraite méritée. Elle avait tenté de résister lorsqu’un braqueur s’en était pris à une employée, victime d’un homme lâche qui avait osé abattre une vieille dame avant de s’enfuir sans se retourner. Un choc dont il ne se remettrait jamais et qui le poussèrent à mettre en suspens ses études, puis à perdre sa bourse. Retournant à Chicago pour régler les affaires familiales pendant quelques temps, il termina son cursus en droit quelques années plus tard à l’université de Chicago, académie bien moins prestigieuse qu’Harvard.
Engagé dans les équipes du procureur général de l’Illinois, il entama un véritable bras de fer avec les grosses sociétés de Chicago et des alentours, défendant les cas désespérés des victimes cherchant à se retourner contre les superpuissances américaines. Nouvelle désillusion lorsqu’il compris que l’influence des puissants ne pouvait parfois pas être combattue par la loi, même avec toute la bonne volonté du monde. C’est d’ailleurs à cette époque qu’il rencontra celle qui deviendrait un jour son épouse, avocate prestigieuse et privilégiée pour une grande firme, totale opposée à lui. D’abord ennemis, leur histoire se finit dans les draps d’un hôtel puis une bague au doigt. Et bien qu’il pensait avoir une certaine emprise sur elle, c’est pourtant elle qui l’influença et l’utilisa pour tirer avantage de ses connexions au sein du bureau du procureur, corrompant peu à peu celui qui se voulait pourtant serviteur de la loi.
L’affaire de trop éclata quelques années après leur mariage, lorsqu’il fut suspecté d’avoir falsifié des documents relatifs à une affaire et qu’il fut momentanément mis à pied à cause de cela. S’il prouva son innocence, il garda pour lui le fait que c’était bel et bien son épouse qui avait réalisé la falsification et demanda le divorce pour différends irréconciliables.
Ayant perdu la confiance de ses pairs et endetté à cause du divorce, il décida de quitter Chicago pour Las Vegas, entamant une carrière d’avocat, cette fois-ci pour défendre les puissants. Il y fit notamment la rencontre d’un politicien ambitieux et véreux, un homme qui se présenta par la suite à la candidature à la mairie. Soutenant ce dernier, il fut à la surprise générale choisi comme adjoint du nouveau maire lorsqu’il réussit à se faire élire. En poste depuis maintenant deux ans, il étend à présent son réseau de connaissances à travers la ville, que ce soit parmi ses anciens clients ou en utilisant de son nouveau statut d’adjoint. En secret et maintenant qu’il a totalement abandonné ses valeurs, il s’imagine bien se retourner contre son patron aux prochaines élections et prendre la place de l’homme le plus important de la ville.